“Je voulais essayer la Liberté” Anmar réfugiée iranienne
Le quotidien Libération du mardi 7 mars est un numéro spécial. Un spécial réfugiés, exilés, migrants. En fait c’est un numéro spécial Humains. Mais attention ! Ce n’est pas un numéro spécial “à propos” des réfugiés, c’est un numéro spécial 100% écrit par des réfugiés sur l’actualité hexagonale ! Voici l’histoire derrière cet évènement
Tout commence avec l’agence Fred&Farid. Oui je sais … C’est bizarre ou suspect que ce soient des publicitaires derrière ce numéro spécial… Coup de pub ? Social washing ? Les mecs “veulent faire le buzz” ? Houla … Tout doux bijou … Quand on suit un peu les mecs ils n’en sont pas à leur coup d’essai. Cette histoire remonte peut être à Fukushima: je n’ai personnellement pas vu des centaines de gens s’agiter sur le sujet et publier régulièrement des infos, avec insistance… Avec conviction … Avec opiniâtreté… Avec les tripes… Et là pas de visibilité médiatique ou d’affichage ni de récupération: juste des mecs qui mettent à profit leur réseau pour parler d’un sujet dont nous sommes les contemporains et donc les responsables et qui engage les générations futures sur plus de 500 ans … Ils avaient aussi prit une position courageuse l’année dernière pour ne pas laisser la parole au radicalisme religieux. Pas à leur coup d’essai je vous dis
Le sujet aurait put resté planté là entre la poire et le fromage …
Voilà donc qu’au cours d’une réunion, les équipes de Fred&Farid et de Libération se mettent à tenir des propos Humanistes à propos des réfugiés, s’indignent de leur absence de l’espace médiatique et surtout se crispent devant le drame qui se déroule sous nos yeux… Enfin surtout du fait qu’on fasse tout pour nous faire tourner la tête ailleurs. Car ce qu’il y a de plus gênant dans cette situation inhumaine c’est que lorsqu’on la regarde en face c’est notre propre gueule que l’on voit et elle n’est pas reluisante…
Tout cela est plutôt de bon-ton et aurait put en rester là comme des milliers de conversations du même type que nous sommes heureux d’avoir eu et qui nous permettent de nous sentir plus Humains dans le Uber qui nous ramène chez nous… Mais les mecs sont un peu plus authentiques que ça et ils ne s’arrêtent pas là : ils vont décider de laisser les clés du journal en intégralité à des réfugiés le temps d’un numéro spécial. Ces femmes et ces hommes vont pouvoir parler à la France entière le temps d’un numéro ! Et le pire c’est qu’ils n’ont pas voulu en profiter pour parler d’eux même les cons ! Ils ont tenu à nous parler de “Nous”, ce “Nous” dans lequel ils se mettent eux + nous ! Si on avait un doute sur le fait de se sentir un peu couillon à la lecture du numéro de demain : à présent nous en avons la certitude …
Un numéro spécial pas écrit par “Eux” mais par “Nous”
Elles/ils sont donc Syriens, Iraniens, Afghans, Russes, blancs, noirs, jaunes, ronds, carrés, sympas, grognons, militants, roux, vegans. Elles/ils sont “Nous” en fait et “Nous” ont observé pendant 2 mois. Les élections, le Sida, l’écologie, la politique: tout y passe dans un numéro qui va nous en apprendre beaucoup sur nous même …
En toile de fonds il y avait un fantôme très présent pendant la conférence de presse. Un truc omniprésent dans sa version assez pure et pas celle galvaudée ou saumâtre qu’on nous sert depuis un moment… Ce fantôme c’est “une certaine idée de la France”. Ce qui a fait que ce petit territoire sans ressources naturelles, peuplé de gens pas plus intelligents que les autres, pas plus robustes, a put se hisser sur le podium des nations et qui a, à un moment donné, pesé sur le destin de notre monde c’est exactement ça.
La France est caractérisée par l’idée d’accueillir à bras ouverts le monde pour lui permettre de s’exprimer.
C’est d’ailleurs par cet héritage que le français reste la langue officielle de la diplomatie … Libération, le temps d’un numéro et sous l’impulsion de Fred&Farid, renoue avec cet Héritage, avec cette idée de la France.
Je ne m’arrêterai que sur une des participantes à ce numéro historique. Elle s’appelle Anmar, elle est iranienne, elle est réfugiée en France et elle a répondu très simplement à une des questions que j’ai posé autour de cette table “A quel point avez-vous réussi à vous extraire de l’auto-censure dans vos propos étant donné que votre parole est de facto associée à un ensemble plus grand et pourrait donc engager tout un groupe d’Humains ?”
Sa réponse ? “Je suis iranienne et comme j’ai l’occasion de m’exprimer en France j’ai voulu en profiter pour essayer la liberté”
Ca ne se fait pas de verser une larme dans la salle de comité de rédaction de Libération donc j’ai serré les machoires très fort … Mais putain : qu’est ce que j’étais fier et heureux du “Nous” à ce moment là !
J’espère que nous serons nombreux à acheter le Libération de de demain ne serait-ce que pour prouver que la France est toujours la France. Pour montrer aux gens qui bossent pour ce type d’initiative que ça a bien un sens. Pour dire à tous ces Humains qui ont écrit que leur parole nous importe et nous passionne toujours autant. Que nous ne sommes pas la violence raciale du FN, que nous ne sommes pas la violence économique de Macron, que nous ne sommes pas la violence conservatrice de Fillon, que nous ne sommes pas la violence administrative de Valls.
Un profond respect à Messieurs Joffrin et Mokart qui donnent du sens à la journée de demain. Et un vrai bravo du coeur à Fred&Farid et Libération pour cette initiative car ils ne gagneront pas de nouveaux clients grâce à cette initiative, ils ont plus de chance d’en perdre mais de sentir Farid Mokart véritablement ému pendant ce tour de table levait toutes les suspicions
En primeur la couv de demain :